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Cadet-ROUSSEL était-il rennais ? n°2

Posté par LPBSM le 28 juillet 2015

Bonjour,

Je suis persuadé que certains attendaient la suite ; hé, bien la voilà :  Cadet Roussel  1743 - 1807 né à Orgelet dans le Jura mort à AuxerreFontaine sur la place d’Orgelet

La célébrité de la chanson dépassa de beaucoup l’immodeste huissier dont on avait voulu se moquer .  Par la suite, on fit de nombreuses pièces de théâtre où l’on imagina Cadet ROUSSEL dans toutes les situations possibles : Cadet ROUSSEL misanthrope et Manon repentante, Cadet ROUSSEL aux champs Élysée, Cadet ROUSSEL au jardin turc, la Mort de Cadet ROUSSEL, la Résurrection de Cadet ROUSSEL, Cadet ROUSSEL entrepreneur de spectacles, Cadet ROUSSEL Hector, Cadet ROUSSEL esturgeon, Cadet ROUSSEL chez Achmet, Cadet ROUSSEL à Meaux en Brie, Cadet ROUSSEL dans l’île des Amazones, etc … .

Toutes ces pièces attestent le succès d’un genre imposant la figure du niais qui n’avait  que peu de chose à voir avec l’authentique Cadet ROUSSEL .  

Ci-dessous assiettes et plat à son effigie :

assiette cadet Roussel 03  assiette cadet Roussel 02

 

assiette cadet Roussel 01  image d'Epinal 04

.

Cet engouement se poursuivit jusqu’aux premières années de la « Restauration » (1814-1830) .

 

Références :

 

  • (*1)  Il semblerait cependant que Gaspard de CHENU ne se soit pas directement inspiré de la publication du Sieur de BELLONE (1612) mais d’une adaptation de la « chanson de Jean de Nivelle » modifiée fin  XVIIIème siècle  :

Cadet ROUSSEL a trois grands yeux, (bis)

L’un gâde (*2) à Caen l’autre à Bayeux. (bis)

Comme il n’a pas la vue bien nette,

Le troisième, c’est sa lorgnette ! (*3)

  • (*2) Regarde en patois normand
  • (*3)  La lorgnette n’est inventée qu’au XVIII ème siècle ; au XIIIème siècle c’est un moine anglais qui inventera les Bésicles cloutées, Roger BACON, et devra passer par la prison de 1277 à 1279 ; elles sont lourdes et ne permettent que de corriger la myopie

 Bésicles clouantes 01

et surtout pas la presbytie ; la lorgnette avec son manche détachable est donc encore une « originalité » à la fin XVIII ème  siècle .

lorgnette 01

 

La farce des « Deux savetiers » du XVème siècle, dont certains voudraient faire provenir le plagiat de Gaspard de CHENU, met en scène trois personnages :

  • le riche, c’est un savetier
  • le pauvre, c’est aussi un savetier, nommé Drouet, il est d’humeur joyeuse et  chante la chanson de Jean de Nivelle dès le commencement de la farce

Les deux Savetiers première scène 01

Hay avant Jehan de Nivelle

Jehan de Nivelle a deux housseaux, (guêtres),

Le roy n’en a pas de si beaux

Mais il n’y a point de semelle,

Hay avant Jehan de Nivelle

  • le juge, c’est le prévôt de la ville qui va faire office de juge .

 

Farce des deux savetiers gravure de l'époque 02 Farce des deux savetiers gravure de l'époque 01 Farce des deux savetiers le pauvre 02

Gravure de l’époque, sur la première et seconde image – « Drouet »*, le pauvre savetier sur la troisième image

 

Donc ceux qui cherchent à dire que cela provient de cette farce, ne l’ont tout simplement pas lue .

 

Il est cependant à noter que l’on ne parle pas de la ville d’Auxerre dans la version de Gaspard de CHENU  … mais bien de deux villes normandes dans un couplet tardif .

 

Etrange … non ?

 

Non, car le plagiat n’était pas reconnu comme un vol à l’époque de Gaspard de CHENU  qui semble bien avoir recopié un passage d’une version dérivée de la chanson de « Jean de Nivelle », mais datant du XVIII ème siècle et non pas du XV ème siècle, dont il n’aurait eu qu’à changer le nom en « Cadet ROUSSEL » .  Cependant cette version n’est pas à ce jour connue (sauf de lui) mais il n’est plus là pour nous renseigner ; il n’allait quand même pas non plus faire étalage de son plagiat  .

Jean de la Fontaine, qui plagiait volontiers Esope sans vergogne, utilisera aussi le personnage du savetier dans sa célèbre fable : Le Savetier et le Financier, qui présente d’ailleurs certains traits communs avec la Farce des deux savetiers .

Nicolas BOILEAU (1636 – 1711), mécène de Philippe DESTOUCHES, incorporera dans « l’Art poétique » une réplique de la pièce « Le Glorieux »,   II, 5, de DESTOUCHES : « la critique est aisée, mais l’art est difficile »  (Histoire, Livre XII, C XI, 25c, 5) que DESTOUCHES avait lui même recopié de POLYBE (auteur grec vers 208 av. J.C. – 126 av. J.C.) .   P. DESTOUCHES en sera fortement honoré . 

Autre temps autres moeurs .

La version de 1612 éditée, sous Louis XIII, par le Sieur de BELLONE dans : le tome 1 de Chansons folastres et prologues, tant superlifiques que drolatiques des comediens françois est publiée ci-dessous en P.S.:

  • (*4) :  De nos jours le parapluie ne semble pas être un objet excentrique .  Mais quand Sir Jonas HANWAY (1712 – 1786), grand voyageur britannique, ayant redécouvert le parapluie en Perse, tout en souhaitant en faire l’importation, et alors qu’il se promenait dans les rues de Londres pour la première fois avec son « objet », en 1750, les passants le prirent pour un fou .

Jonas Hanway et son parapluie 01

Sir John Mac Donald raconte dans ses Mémoires qu’en 1778 encore il n’osait pas se servir d’un magnifique parapluie rapporté d’Espagne de peur d’être injurié par les cochers, qui voyaient dans cet objet un sérieux concurrent pour leur industrie (les londoniens se précipitant dans un cab quand la pluie arrivait) .

En France, l’objet était déjà connu comme une « nouveauté » à Paris dès 1622 .  Cependant, cet accessoire était considéré comme typiquement féminin . 

1675 Omberelle et chapeau et canne

Gravure de 1675 d’après un tableau de BONNART

Pour que cet objet soit rentable sur le plan industriel, il fallut que la cavalerie anglaise en soit pourvue afin que l’homme de la rue l’adoptât .  En mi juin 1815, à Waterloo, il n’arrêta pas de pleuvoir pendant presque une semaine .

Le général Thomas Picton (1758 – † 18 juin 1815), surnommé le «combattant en jaquette», d’origine galloise, conduisit, dit-on, ses unités anglaises au feu, armé de son parapluie et coiffé d’un haut de forme (la malle contenant son uniforme s’étant égarée) .  Blessé la veille au lieu dit la ferme des Quatre-Bras, il mourut à la tête de ses troupes à cet endroit .

La cavalerie anglaise était relativement au sec avec ses milliers de parapluies et d’autre part la poudre des fusils restait sèche, tandis que celle de l’adversaire était mouillée par la pluie et donc souvent inutilisable .

Les dragons français ainsi que les grenadiers, en étant dépourvus, étaient trempés .

cavalerie Fraançaise à Waterloo

Pourtant dès 1710, l’ingénieux parisien Jean Marius, de la corporation des boursiers français, avait proposé un «parapluie pliant» à armature métallique, pesant cinq onces (moins de 160 g) et mesurant six pouces (moins de 23 cm), au lieu des 2 kilogrammes et un mètre vingt des parapluies traditionnels, mais cette invention ne semble pas avoir eu tout le succès espéré .

Venus du Massif Central, M. et Mme Antoine arrivèrent à Paris en 1745 et s’installèrent d’abord au Pont-Neuf .  Ils ouvrirent deux boutiques, à chaque extrémité du pont .  A l’époque la vente des parapluies était réservée aux gentilshommes ayant des porteurs .  M. et Mme Antoine eurent donc l’idée, et obtinrent le privilège, de louer des parapluies aux tout venant, pour la traversée du pont ;  les parapluies seront rendus au bureau de l’autre côté, moyennant deux liards par personne (monnaie de cuivre ; les « pièces jaunes » de l’époque) .

Ni la bourgeoisie, ni la petite noblesse ne souhaitait porter un parapluie car, ne voulant pas se confondre avec le « commun » elles aimaient mieux courir le risque de se faire mouiller plutôt que d’être regardés comme des gens qui n’avaient pas les moyens de se payer une domesticité . 

boutique sur le Pont Neuf en 1667

Le Pont-Neuf offraient des attractions permanentes : boutiques en plein vent, bateleurs, camelots et chansonniers .  Il faisait bon s’y promener, le tout Paris s’y pressait : Montesquieu, Rousseau, Voltaire, etc … .

 

 Le parapluie de 1770 était lui constitué « d’un manche en deux pièces réunies par une vis, dont les branches se repliaient au moyen de brisures » .

Mais bien vite, apparut un conflit dans les corporations entre les tourneurs qui fabriquaient les manches et les boursiers qui assemblaient et vendaient les instruments, puis les boisseliers (ouvriers du bois travaillant à la confection du manche) et les boursiers voulant chacun s’attribuer le droit de créer et de vendre les parapluies .

Parapluie ancien et ciseaux du 19ème siècle  02

Finalement le Parlement décréta en septembre 1773 que les boisseliers devraient se contenter de fournir aux boursiers le manche des « parapluies-parasols » .

Puis en 1776, les boursiers furent réunis aux ceinturiers et aux gantiers avec des statuts où ils avaient «aussi le droit de fabriquer et faire toutes sortes de parapluies et parasols et de les garnir…»

 

A la Révolution, le parapluie devient populaire ; en 1792, il devient un accessoire de mode comme le bicorne Bicorne de Muscardin 04 ou le tricorne Tricorne 02 . 

Pour un sans-culotte, pas besoin d’afficher de la domesticité, bien au contraire . 

Duel sous parapluie en 1830 - Sainte Beuce contre Dubois

En 1830 le parapluie est adopté ; ici un duel sous la pluie ; on préfère se tuer mais au sec .  Il faut préciser qu’il s’agit ici d’un duel au pistolet, entre Sainte-Beuve (1804-1869) et J.F.Dubois (Rennais 1793-1874), et qu’il faut bien protéger la poudre de la pluie .  Sur l’image ci-dessous, fin XIX ème, l’ombrelle est encore très présente .

FIN XIX ème siècle l'ombrelle est toujours considérée comme féminine .

Ecrit à RENNES le 14 juillet 2015 par J.M. MARTIN pour LPBSM

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P.S. :

Voici le texte original de Jean de Nivelle publié en 1612 dans le tome 1 de Chansons folastres et prologues, tant superlifiques que drolatiques des comediens françois. Cette chanson est également reprise dans le Recueil des plus belles chansons des comédiens français de Jacques Mangeant publié à Caen en 1626. Vous pouvez écouter un extrait chanté sur l’air original (www.medietrad.com).

1. Jean de Nivelle a trois enfants
Dont il y en a deux marchands
L’autre escure la vaisselle

2. Jean de Nivelle a trois chevaux
Deux sont toujours par monts et vaux
Et l’autre n’a pas de selle

3. Jean de Nivelle a trois beaux chiens
Il y en a deux vauriens
L’autre fuit quand on l’appelle

« C’est ce chien de Jean de Nivelle » (couplet de la version originale de 1465)

4. Jean de Nivelle a trois gros chats
L’un prend souris, et l’autre rats
L’autre mange la chandelle

5. Jean de Nivelle a un valet
S’il n’est ni beau, il n’est pas laid
Il accoste une pucelle

Hay avant, Jean de Nivelle
Hay ! Hay ! Hay avant
Jean de Nivelle est triomphant

Plus tard s’ajouteront de nouveaux couplets:

Jean de Nivelle est un héros (bis)
Qui n’a ni maîtres, ni rivaux (bis)
Pour le combattre dans les ruelles
Connaissez-vous Jean de Nivelle?
Ah! Ah! Ah! Oui, vraiment
Jean de Nivelle est bon enfant !

Jean de Nivelle a trois enfants (bis)
L’un est sans nez, l’autre sans dents (bis)
Et le troisième est sans cervelle
C’est bien dur pour Jean de Nivelle
Ah! Ah! Ah! Oui, vraiment
Jean de Nivelle est bon enfant !

Jean de Nivelle a trois châteaux (bis)
Trois palefrois et trois manteaux (bis)
Et puis trois lames de flamberges
Qu’il laisse parfois à l’auberge
Ah! Ah! Ah! Oui, vraiment
Jean de Nivelle est bon enfant !

Jean de Nivelle a marié (bis)
Ses trois filleules dans trois quartiers
Les deux premières ne sont pas belles
La troisième n’a pas de cervelle!
Ah! Ah! Ah! Oui, vraiment
Jean de Nivelle est bon enfant !

Jean de Nivelle a trois beaux chiens (bis)
Mais y en a deux qui n’valent rien (bis)
Le troisième s’enfuit quand on l’appelle
Mais il récure la vaisselle
Ah! Ah! Ah! oui, vraiment
Jean de Nivelle est bon enfant !

Jean de Nivelle était devenu en France, à cause du refus qu’il fit de répondre à l’appel de son roi en tant que vassal, un objet de haine et de mépris surtout après le siège de Paris que Charles Le Téméraire souhaitait affamer ; le peuple lui donna le surnom injurieux de « chien », d’où le proverbe « Il ressemble au chien de Nivelle qui s’enfuit quand on l’appelle » .

De nombreuses chansons populaires ont été composées sur Jean de Nivelle pour moquer son comportement,  après 1465, refusant de combattre le Bourguignon .

 

Gaspard de ChenuCadet Rousselle

1792

Cadet Rousselle a trois maisons, (bis)
Qui n’ont ni poutres, ni chevrons, (bis)
C’est pour loger les hirondelles,
Que direz-vous d’Cadet Rousselle ?
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !

Cadet Rousselle a trois habits, (bis)
Deux jaunes, l’autre en papier gris, (bis)
Il met celui-ci quand il gèle,
Ou quand il pleut, ou quand il grêle…
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !

Cadet Rousselle a une épée, (bis)
Très longue, mais toute rouillée, (bis)
On dit qu’ell’ ne cherche querelle
Qu’aux moineaux et qu’aux hirondelles.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !

Cadet Rousselle a trois souliers, (bis)
Il en met deux dans ses deux pieds ; (bis)
Le troisième n’a pas de semelle,
Il s’en sert pour chausser sa belle…
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !

Cadet Rousselle a trois cheveux, (bis)
Deux pour la face, un pour la queue, (bis)
Et quand il va voir sa maîtresse,
Il les met tous les trois en tresse.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !

Cadet Rousselle a trois gros chiens, (bis)
L’un court au lièvre, l’autre au lapin ; (bis)
Le troisième fuit quand on l’appelle,
Tout comme le chien d’Jean de Nivelle.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !

Cadet Rousselle a trois beaux chats, (bis)
Qui n’attrapent jamais les rats ; (bis)
Le troisième n’a pas de prunelle,
Il monte au grenier sans chandelle.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !

Cadet Rousselle a trois deniers, (bis)
C’est pour payer ses créanciers ; (bis)
Quand il a montré ses ressources,
Il les resserre dans sa bourse.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !

Cadet Rousselle s’est fait acteur, (bis)
Comme Chénier s’est fait auteur, (bis)
Au café quand il joue son rôle,
Les aveugles le trouvent drôle
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !

Cadet Rousselle ne mourra pas, (bis)
Car, avant de sauter le pas, (bis)
On dit qu’il apprend l’orthographe
Pour fair’ lui-mêm’ son épitaphe.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !

 

Certains arguent que : « Cadet ROUSSEL est bon enfant »  n’est pas d’une grande critique .   Bien au contraire, c’est d’un cynisme rare ; car cette antiphrase marque à l’évidence le contraire de ce qui est entendu et l’intention manifeste de provoquer de l’ironie dans une phrase qui exprime tout le contraire de ce qu’elle dit ou semble vouloir dire .

 Cependant :

Cadet Rousselle a trois garçons, (bis)
L’un est voleur, l’autre est fripon, (bis)

Le troisième est un peu ficelle
II ressemble à Cadet Rousselle.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !

Cadet Rousselle a marié (bis)
Ses trois filles dans trois quartiers ; (bis)
Les deux premières sont moins que belles,
La troisième n’a pas de cervelle.

Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,

Cadet Rousselle est bon enfant !

Ces deux couplets n’ont pas pu être écrits par Gaspard de CHENU, car auxerrois comme Cadet ROUSSEL, il savait très bien que ce dernier n’avait pas d’enfant .

Mais ces couplets ont dû être ajoutés pour varier le chant de marche .

Le terme de « chien » sera repris dans des versions plus tardives mais dans le sens de l’animal de compagnie .

C’est le 28 juillet 1794 (le 9 thermidor de l’an II), après l’annonce de la mort de ROBESPIERRRE sur l’échafaud, qu’on vit reparaître les carrosses ; il y eut de nouveau des maîtres et des domestiques . Depuis que « la Terreur » était terminée ainsi que la suppression des « Comités de surveillance » (dont Cadet ROUSSEL faisait partie) et surtout que l’on avait démonté la guillotine, la jouissance est à l’ordre du jour . Ne faut-il pas rattraper le temps perdu ? Les magasins se signalèrent par leur soudaine abondance de produits divers à l’étalage (surtout après la suppression de la « loi du Maximum » votée par la Convention et annulée par le Directoire) .

Les Incroyables et Merveilleuses  Les Incroyables 10

« Incroyable et Merveilleuse » après la réaction thermidorienne de 1794

Même si cette libéralisation des moeurs fut d’abord très parisienne, on comprends aisément qu’en 1792, lorsque Gaspard de CHENU écrivit sa libelle, il ignorait quand s’arrêterait la vie de ROBESPIERRE ; il avait subi le dictat de la « Convention » et il ne pouvait pas écrire des couplets qui seront très en vogue après juillet 1794 et encore moins imaginer l’affichage vestimentaire débridé des « Incroyables » .

Bicorne des Incroyables 01

Cadet Rousselle a trois chapeaux, (bis)

Les deux ronds ne sont pas très beaux… (bis)

Et le troisième est à deux cornes,

De sa tête, il a pris la forme…

Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,

Cadet Rousselle est bon enfant !

 

lorgnette 02

 

Cadet Rousselle a trois beaux yeux, (bis)

L’un r’garde à Caen, l’autre à Bayeux, (bis)

Comme il n’a pas la vu’ bien nette,

Le troisième, c’est sa lorgnette.

Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment,

Cadet Rousselle est bon enfant !

 image d'Epinal 05


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Cadet-ROUSSEL était-il rennais ? n°1

Posté par LPBSM le 27 juillet 2015

Bonjour,

 La période estivale est une période où l’on peut se « plonger » dans un passé récent mais qu’on néglige parfois, ou qu’on ignore tout simplement, sans se sentir « submerger » .

Ici, on « aborde » un passé, ou l’on se « replonge » dans un passé, de moins de cent ans sur Rennes,  Révolutionnaire dans sa vérité .

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Cadet ROUSSEL était-il vraiment rennais ?   Oui, il y a bien eu un ROUSSELLE à Rennes qui louait son « Château branlant », appelé également « Maison de Cadet-Roussel » par les gens du quartier Saint-Martin, à des lavandières ; mais la chanson était tellement populaire que l’association se fit facilement .

Le Chateaud Branland ou de Cadet Roussel  quater_redimensionner

Au bout de l’ancien pont Saint-Martin, à trois arches en pierre, cette bâtisse du XVème siècle résistait encore en 1900 .  Elle s’écroula en août 1936 .

Maison de Cadet Rousselle peinte par Jules NOEL vers 1860

Peinture à l’huile du peintre Jules NOEL de 1860 au musée des Beaux Arts de Rennes

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Le vrai Cadet ROUSSEL (1743-1807)  a vraiment existé  au temps de la fin du règne de Louis XIV puis de la révolution française,  sous le nom de Guillaume Joseph ROUSSEL né à Orgelet, dans le Jura, et qui s’établira à Auxerre en 1763 après le décès de son père mort à l’âge de 48 ans  (le 18 avril 1762) .

Cadet, car il avait un frère ainé, Claude-Antoine ROUSSEL ; né deux ans avant lui (en 1741), il était donc le cadet du cavalier de dragon volontaire dans la Légion de Soubise en garnison à Tournon dans le Vivarais .

A Auxerre, Il se plaça d’abord comme domestique, puis laquais dans quelques bonnes maisons de la ville . 

Mais, opportuniste, il comprit très vite qu’il lui était possible de se faire une place plus enviable et surtout plus gratifiante .

Il acheta donc assez rapidement une place de Clerc d’huissier, ce qui lui permit de se familiariser avec le droit, d’apprendre le métier et de faire quelques rencontres qu’il utilisera à son profit .

Peu auparavant, il avait épousé une demoiselle Jeanne SERPILLON d’assez bonne famille, qui lui avait apporté une dot confortable ; il faut ajouter que la demoiselle avait seize ans de plus que son époux .   Cela posera des problèmes plus tard car elle mourut avant lui, le 14 janvier 1803  .

Le mariage ayant été sans descendance, Cadet ROUSSEL se verra obligé de rendre la dot à l’héritière de son épouse .  Il montra toute l’affection qu’il avait pour sa dot et sa belle-famille en se remariant en secondes noces avec la nièce de son épouse, Reine BARON, qui en était l’héritière, le 20 Avril 1803 (soit trois mois après le décès de son épouse) .  Cadet ROUSSEL avait alors soixante ans et sa jeune et nouvelle épouse trente-sept .  Ils passeront moins de quatre ans ensemble .

C’est sans doute grâce à son parrain et à son oncle, tous deux huissiers au Bailliage d’Orgelet qu’il doit d’avoir reçu quelques notions permettant de faire illusion quant à ses capacités d’exercer la charge de  Premier  Huissier .  Il fut assez astucieux pour imaginer comment y parvenir et assez finaud pour arriver à ses fins en épousant une dot .   Il obtint ses lettres de provision, car on le reconnaissait  « pour un très honnête homme, de bonne vie, mœurs et conversation, fidèle et affectionné au service du Roi » .

Il put donc acheter, le 15 mars 1780, la charge de Premier huissier audiencier au bailliage présidial d’Auxerre et y est reçu dans ses fonctions ; charge assez considérable, puisqu’elle lui laissait un revenu de deux mille livres par an .

Installé dans la « Basoche » (La Basoche : était le nom de la cour de justice du Roi au XV ème siècle) .  il commença, à partir de 1789,  à multiplier ses excentricités .  Car, tout en étant devenu Maître Guillaume ROUSSEL, il n’en était pas moins un fêtard et un noceur bien que membre du Comité de Salut Public .

Retournant sa veste à plusieurs reprises dans les années troubles de la Révolution ; adulé lorsqu’il organisait, avec un certain brio, des festivités en l’honneur de la déesse Raison  [ [Cadet ROUSSEL participe le 30 décembre 1793 à la fête de la déesse Raison, dans la cathédrale d’Auxerre : …« Sur un autre char, l’Huissier ordonnateur de la fête [Cadet Roussel]… vêtu d’un nankin couleur de chair, le dos orné de deux grandes ailes bleues en carton, et laissant descendre de son menton une longue barbe blanche en filasse. Il représentait le temps […] Il tenait à la main une faulx, mais il la tenait renversée pour montrer comme quoi la République était éternelle. « ] ]

Extrait de : http://huissier.justice.perso.neuf.fr/cadet.html

 

Il fut jeté, sans ménagement, en prison lorsque la dictature de ROBESPIERRE prit fin .  Ce verbeux impénitent, infatué de sa personne, aimant les bons mots et les grands discours, ne pouvait qu’attirer sur lui que beaucoup d’acrimonies .

Jovial et excentrique selon certains, roublard et franc lèche-bottes selon d’autres .

Et c’est ainsi qu’en 1792, parodiant la chanson populaire de Jean de Nivelle (*1), chanson composée après 1465 sur la demande de Louis XI qui souhaitait se venger de la défection de Jean III de Nivelle (ou Jean Ier de Montmorency – Nevel)  dans son armée pour combatte Charles le Téméraire (comte de Charolais) et des princes ligueurs coalisés en 1465 dans la « Ligue  du Bien public »,  qui avait tant amusé les français au XV ème siècle,  Gaspard de CHENU en fit une parodie adaptée à son époque .  Le Sieur de BELLONE, dans « Chansons folastres et prologues tant superlifiques que drolastiques des comédiens françois » revus et augmentés, ne publiera qu’en 1612 une version très édulcorée des libelles populaires composées sur Jean de Nivelle pour se moquer de son comportement et surtout du siège de Paris .   Mais nous sommes sous Louis XIII (1610-1643) et le siège de Paris de 1465 est oublié .   Seul compte le mariage de Louis XIII et d’Anne d’Autriche en 1612 .

 

Cette nouvelle version a donc été remise à la mode par un nobliau resté fidèle au Roi après 1789, à savoir le chevalier  Gaspard de CHENU, seigneur du Souchet et en partie de Prunier, chansonnier à ses heures, auteur de quelques spirituelles satires contre les nouvelles modes et les nouveaux puissants (entendre par là « les révolutionnaires » ou « les sans-culottes ») .

Ce pamphlet a eu, à sa grande surprise, un succès retentissant dans toute la ville d’Auxerre .

Alexandre-Charles-Gaspard de CHENU (1717-1795) fut l’un des signataires, le 24 juillet 1790, de la très fameuse « Protestation des gentilshommes de Puisaye » contre le décret sur la suppression de la noblesse héréditaire et des titres honorifiques par l’Assemblée Constituante le 19 juin 1790 (complétant ainsi l’œuvre qu’elle avait commencée dans celle du 4 août 1789)  .

19 juin1790 suppression de la noblesse héréditaire et des titres honorifiques

Estampe de l’époque représentant la décision de l’Assemblée constituante  du 19 juin 1790  et ce qui s’en suivit

Depuis le début de la révolution, Gaspard de CHENU exerçait sa plume acide au détriment des hommes ralliés au nouveau pouvoir de la « Convention » .

Cadet ROUSSEL n’y échappa pas .

Car Cadet ROUSSEL siégeait à la Société des amis de la République, au Comité révolutionnaire et était devenu membre de la « Société populaire d’Auxerre » où il faisait montre d’un zèle très ostensible .  En septembre 1793, il fut même inquiété pour avoir commis quelques excès au cours d’une visite domiciliaire du comité de surveillance (il avait organisé une orgie chez quelqu’un qu’il venait de faire arrêter) .  

Il sera alors destitué du Comité de surveillance, puis déféré devant le tribunal criminel d’Auxerre, dont il était l’Huissier .  Il sera temporairement suspendu de ses fonctions .  Mais comme c’est  un  ami de Nicolas MAURE (*), lui-même ami de ROBESPIERRE, on ne l’inquiètera pas plus (voir ci-dessous) .

 Portrait de Nicolas MAURE

(*) « Nicolas MAURE » (1743-1795), est un « puissant » conventionnel représentant de l’Yonne, ex-marchand épicier à Auxerre, et également célèbre par ses excentricités révolutionnaires (il organisa la « Fête de la Terreur » en mai 1795, avec quelques guillotines à l’appui et se crut appelé à un grand destin parce qu’un jour MARAT l’avait appelé: « mon fils », en se  proclamant publiquement et imprudemment le favori de ROBESPIERRE) .

Il se suicida le 3 juin 1795  d’un coup de pistolet, à Paris, sachant le sort qui  l’attendait  après la mort de ROBESPIERRE et l’épuration qui s’en suivit  .

 

Cadet ROUSSEL  va enfin connaître la vraie prison, le 9 septembre 1795 .  Il est prévenu « d’arrestations arbitraires et de faux dans l’exercice de ses anciennes fonctions » au sein du Comité révolutionnaire d’Auxerre .

Son incarcération fut de courte durée et il figurera au nombre des amnistiés par la loi du 11 octobre 1795  (l’amnistie de vendémiaire an IV : http://chs.revues.org/458) .

Il se contenta par la suite d’exercer son ministère d’huissier, sans plus jamais se faire remarquer, pendant le Directoire, le Consulat et l’Empire (il fut inhumé  le 27 janvier 1807) .

La chanson n’avait d’autre but que  de ridiculiser l’ancien huissier à la Cour royale qui s’était transformé en un ardent Révolutionnaire .

 

En 1781, Cadet ROUSSEL s’était porté acquéreur d’une petite maison à Auxerre située place du Prétoire (actuelle place du Maréchal Leclerc),  souhaitant agrandir sa demeure ; il obtint de la municipalité le droit de construire une loggia de deux pièces au-dessus de l’arc qui reliait l’horloge à cette place .

Guillaume Joseph ROUSSEL possédait ainsi deux maisons (la chanson va lui en attribuer trois) .  

Puis, la Révolution Française éclata et grâce à l’un de ses farouches opposants (Gaspard de CHENU), l’imagerie populaire de Cadet ROUSSEL avec son bicorne ou son tricorne, sa lorgnette et son parapluie (*4) va naître et en faire une image d’Epinal (ce qui est un « comble » lorsqu’on habite  Auxerre !)  …

 image d'Epinal 02 Illustration de Cadet Rousselle (Pellerin, 1863)  image d'Epinal 03

 Ce sont les volontaires auxerrois rejoignant l’armée du Nord, pour lutter contre les armées européennes royales coalisées et opposées à la « Révolution », en 1792, qui en firent une chanson de marche adoptée par presque toute l’armée du Nord .

Son très grand succès ne pourra cependant pas rivaliser avec le chant de marche de l’armée du Rhin (« La Marseillaise » importée par les volontaires marseillais) qui deviendra l’hymne national .

A suivre …

J.M. MARTIN pour LPBSM

P.S.:  C’est surtout le modèle républicain qui était craint par les royaumes étrangers parce qu’ils avaient peur que cela fasse tache d’huile dans les divers royaumes européens .

1ère République :

le 21 septembre 1792 avec l’abolition de la Royauté, l’assemblée législative, devenue Convention, tient sa première séance publique et proclame la Première République qui se nomme officiellement République française.  Je crois que c’est avec Valmy, cette victoire de l’armée des gueux, que le sentiment national, ce sentiment profond de la notion de République, s’ancre dans l’esprit et dans le coeur des Français.

La Première République va durer jusqu’en mai 1804. C’est une nouvelle forme politique, nouvelle forme d’exercice du pouvoir en Europe et, le 22 septembre 1792, décision est prise de dater les actes de l’an I de la République .

Le 25 septembre 1792, la République est déclarée une et indivisible.  Le calendrier républicain est adopté en octobre 1793.
De 1792 à 1802, la France est en guerre avec le reste de l’Europe .  A cela s’ajoute le problème intérieur de la Guerre de Vendée .  La Convention nationale traverse plusieurs crises politiques qui amènent trois formes de gouvernement :
− de septembre 1792 à octobre 1795, avec la période dite de la Terreur d’avril 1793 à juillet 1794 (date de la chute de Robespierre), le pouvoir est exercé par le Comité de Salut Public dominé par les Montagnards.
− du 26 octobre 1795 au 9 novembre (18 brumaire) 1799, c’est le Directoire.
− Puis du 10 novembre 1799 au 18 mai 1804, la prise de pouvoir du général Bonaparte amène le Consulat. La Première République prend fin avec le couronnement de Napoléon Ierqui instaure le Premier Empire.
Nous sommes en 1804, l’Empire est mis en place et la première République a vécu.
Il faut attendre quarante-quatre ans et bien des événements historiques avec, un Empire, deux Restaurations et une Monarchie dite monarchie de Juillet, pour que renaisse de ses cendres la République.
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Article rédigé par
Jeanne BRUNEREAU
membre de la LDH
janvier 2011

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